La Guinée, le Mali, le Burkina Faso et le Niger, pays du Sahel subsaharien qui ont connu des coups d’État militaires successifs au cours des trois dernières années. Ces pays ont plusieurs caractéristiques communes. Ils disposent d’abord de riches réserves minérales, notamment d’uranium, d’or et de manganèse (utilisé notamment dans les blindages).
Deuxièmement, les monopoles énergétiques, miniers et bancaires de leur ancien colonisateur, la France, sont les souverains économiques et financiers de ces pays. Ils ont également une monnaie commune, le CFA, et sont obligés de conserver 50% de leurs réserves monétaires à la Banque de France. Malgré leurs riches réserves minérales et des terres agricoles fertiles de la majorité de ces pays, ces derniers sont économiquement en retard… La majorité de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. En outre, les forces militaires de la France et des États-Unis en Afrique sont basées dans ces pays.
Troisièmement, la plupart de ces pays sont le théâtre d’actions armées intensives menées par Al-Qaïda et les organisations djihadistes qui en découlent. L’impérialisme américain et l’impérialisme français stationnent des troupes militaires sous ce prétexte. L’Allemagne s’est également jointe à ce déploiement militaire impérialiste en envoyant 100 soldats au Niger.
Mais les juntes du Mali et du Niger se sont rangées du côté de la Russie et de la Chine en exigeant le départ des troupes de l’impérialisme français. La junte nigérienne est notamment allée plus loin en bloquant l’exportation d’uranium vers la France. Les manifestants qui ont soutenu la junte contre l’ancien président Mohamed Bazum, fidèle à la France et aux États-Unis, portaient des drapeaux russes et exprimaient leur sympathie pour l’impérialisme russe contre l’impérialisme occidental.
L’Organisation économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), dirigée par le président nigérian, et le gouvernement algérien ont déclaré leur opposition à l’intervention militaire. Le Sénat nigérian, auquel le président nigérian avait demandé l’autorisation pour une intervention militaire, a également voté contre l’intervention. La France et les États-Unis envisageaient une intervention militaire par l’intermédiaire de l’armée nigériane, et le vote négatif du Sénat montre que les impérialistes occidentaux ont perdu de leur influence, y compris aux yeux de la bourgeoisie locale.
Les dirigeants des juntes, par cette attitude et par leur participation au deuxième sommet Russie-Afrique et au forum économique et humanitaire organisé par la Russie à Saint-Pétersbourg les 27 et 28 juillet, se sont de plus en plus rapprochés de la tendance pro-russe. L’opposition des juntes des pays d’Afrique de l’Ouest à l’impérialisme français et occidental est également influencée par la réaction des populations contre le chaos de la « sécurité » engendré par la dépendance à l’égard de l’impérialisme, caractérisé par la pauvreté, des gouvernements réactionnaires et, en fin de compte, des conflits internes réactionnaires. Cette réaction s’est manifestée en particulier au Burkina Faso par des manifestations populaires à grande échelle au cours des trois derniers jours de septembre 2022. Les masses populaires ont également lancé des slogans anti-impérialistes.
Les juntes tentent de tirer parti de la réaction des peuples contre l’impérialisme occidental et de la neutraliser en se tournant vers la coopération avec une autre alliance impérialiste, celle de la Russie et de la Chine. Elles comptent ainsi surmonter la crise économique et politique de la bourgeoisie et le chaos sécuritaire.
Au Forum africain, la Russie tente de séduire les gouvernements et les juntes africaines en annulant leur dette de 23 milliards de dollars – dont la majeure partie est constituée de ventes d’armes – et en promettant des subventions céréalières. D’une certaine manière, la Russie se venge de la guerre en Ukraine par l’intermédiaire de l’Afrique. Il est probable que la Russie adopte la même attitude en opposant son veto aux éventuelles décisions d’intervention militaire contre les juntes à l’ONU. Ces dernières années, les ventes d’armes de la Russie aux pays africains ont dépassé celles des États-Unis, de la Chine et de la France réunis. En outre, de nombreux pays africains n’ont pas participé à l’embargo américain contre la Russie.
Dans les pays du Sahel, où se produisent les juntes, les actions violentes des organisations djihadistes sont généralisées et, au Mali et au Burkina Faso, elles sont très actives sur près de la moitié du territoire. L’échec de l’offensive militaire de l’impérialisme français, connue sous le nom d’opération Barkhane, a également suscité le mécontentement de l’armée. Parallèlement, le mécontentement de la population à l’égard des gouvernants, est un autre facteur de la montée de la colère et de la contestation.
Dans le même temps, l’impérialisme russe, en tant que puissance qui a vaincu les djihadistes en Syrie, est en mesure de susciter la sympathie de la population à cet égard et d’attirer la junte vers eux. D’ailleurs, outre les impérialistes occidentaux, les soldats du groupe russe Wagner sont basés au Niger. Progojin peut également s’impliquer dans la politique et, tout en soutenant les juntes, il tente d’accroître la base de soutien de l’impérialisme russe en faisant des déclarations contre le colonialisme impérialiste de l’Occident.
Il existe des mouvements populaires dans les pays du Sahel. Alors que dans certains pays, ils sont organisés derrière des cliques bourgeoises et des partis islamistes, au Burkina Faso, ils ont pris la forme d’un mouvement populaire indépendant. Le Parti communiste révolutionnaire et le Front pour le changement démocratique ont joué un rôle important dans les manifestations. Au Mali, les partis islamistes légaux ont été les plus influents.
Il convient également de souligner que le fait que l’activité économique de la Chine a conduit à la quasi-domination financière et économique de l’impérialisme chinois dans de nombreux autres pays africains (les investissements de capitaux sur le continent s’élèvent à près de 400 milliards de dollars) est un autre facteur qui permet de prendre en compte la tendance des juntes à privilégier la Russie.
Cette tendance des juntes dans les pays du Sahel, la réponse de la Russie à la guerre d’usure de l’impérialisme américain et européen en Ukraine avec le sommet africain, montrent que la compétition impérialiste pour le partage domine le processus pour le moment. Toutefois, l’existence de mouvements populaires et la tendance démocratique et anti-impérialiste de ces mouvements renforcent la possibilité de développement de mouvements populaires indépendants. Il est du devoir des forces communistes et révolutionnaires internationalistes de soutenir les mouvements populaires et les luttes et organisations révolutionnaires du prolétariat dans ces pays contre la concurrence pour le partage entre les deux centres de pouvoir impérialistes.